À l’écoute des Entendeurs de voix

Par Alice Rivières26 décembre 2012

J’ai découvert un documentaire bouleversant sur les « Entendeurs de voix » sur France Culture, d’Alexandre Breton et Guillaume Baldy : À bon entendeur !. J’aimerais bien retrouver le monsieur anglais qui organise la formation intitulée « travailler et vivre avec les voix ». Est-ce qu’il est lui-même un Entendeur ? Sa manière de faire est très belle, très phénoménologique, fine, passionnante. L’un des « élèves » dit : « ça m’a appris à connaître mes voix. » En psychiatrie on leur aurait dit : occupez-vous donc d’autre chose, ça vous distraira de vos voix.

Les Entendeurs sont vraiment nos précurseurs, ils ont une liberté de penser et un pragmatisme extraordinaires dont il faut s’inspirer copieusement pour notre projet. Leur relation avec la psychiatrie est exemplaire pour nous. Ils disent : on a besoin de la psychiatrie, on a besoin des médicaments, pour apprendre à mieux faire exister ce qui est justement nié/cannibalisé en maladie mentale, discrédité etc. par la psychiatrie. Je ne vois pas beaucoup de maladie où un tel tour de force ait été réussi (mis à par le Sida, via des groupes comme Act up).

Il faudrait aussi s’inspirer de leur très belle méthodologie de « formation », non pas tant des professionnels que des malades eux-mêmes, auxquels ils apprennent à être leur propre observateur/analyste de voix. Leur dispositif est encore plus intéressant que les groupes classiques d’information et de paroles : des formateurs (« entendeurs » eux-mêmes) forment des malades/schizophrènes pour leur apprendre comment devenir de bons entendeurs, capables de négocier avec leurs voix. Cela passe par la reconnaissance de ce que sont ces voix, qui elles sont, quels sont leurs modes d’existence etc (car certains malades ont beau vivre avec elles depuis des années, ils ne savent/n’ont pas eu les moyens d’investiguer sur ce qu’elles sont véritablement). La formation leur enseigne à effectuer une véritable typologie de leurs voix avant de tester ensemble des tas de « trucs » pour organiser leur vie commune avec elles, sans être assailli – comme par exemple le principe de leur vouer un moment précis dans la journée, de comprendre pourquoi elles sont frustrées ou malheureuses, d’apprendre des techniques de négociation…

Ne pas oublier ce précieux enseignement au moment où nous réfléchirons à la manière d’aborder notre propre travail d’accompagnement des concernés.


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