Joë Bousquet, à la rescousse !

Par Alice Rivières27 janvier 2013

Le poète Joë Bousquet est né à Narbonne en 1897. Le 27 mai 1918, sur un champ de bataille, une balle allemande l’atteint en pleine poitrine, lui sectionnant la moelle épinière. Il a vingt ans, et il ne le sait pas encore, mais les membres de son corps sont paralysés à vie. Il va vivre trente-deux ans, alité et noctambule, à Carcassonne, dans sa chambre aux volets clos, l’une des vies les plus intenses qui ait jamais été vécues, de poète et d’amoureux, de critique d’art et de littérature.

À compter du jour de sa blessure, il lui faudra quelques années pour trouver la bonne position, la posture tout à la fois physique, existentielle et poétique qu’il ne quittera ensuite plus jusqu’à la fin de sa vie. Ces années correspondent sans doute au temps qu’il lui a fallu pour réaliser et accepter qu’il ne remarcherait plus. La lecture de Bousquet a tant de fois calmé mes douleurs, surtout quand il dit qu’il faut se détourner du temps un long moment pour connaître réellement l’amplitude et l’enseignement contenu dans certains événements. Se détourner du temps lui-même : « Il y a des faits (…) qu’il faut lire non pas avec sa mémoire, mais son espoir, qu’il faut comprendre, non pas selon ce que l’on sait, mais selon ce que l’on attend. Ne soyons pas indignes de ce que nous incarnons. »

C’est Bousquet qui m’a fait comprendre que la dignité tout court, ça n’a pas de sens. La dignité relève ce que l’on décide de faire d’un événement qui survient pour vous transformer. « Ma blessure existait avant moi, je suis né pour l’incarner » disait-il. Et puis aussi : « Ce qui compte dans une épreuve, ce n’est pas sa durée, ce n’est pas son caractère irrévocable, c’est la parenté de son origine avec notre nature » (Lettre à Paulhan, citée p. 84 dans la biographie de Joë Bousquet par Édith de la Héronnière, Joë Bousquet, une vie à corps perdu, Albin Michel, Paris, 2006.)


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