Maladie de Huntington et sexualité

Par Alice Rivières26 décembre 2012

J’ai lu un article de Jhanjee A, Anand K S, Bajaj B K, publié dans le Singapore Medical Journal, 2011, 52(6) intitulé « Hypersexual features in Huntington’s disease ». Cet article est forgé sur le modèle classique du « cas clinique », laconique, trois pages, rien que des symptômes, traitement, résultats, et surtout pas l’histoire de qui que ce soit (on remarquera par ailleurs le pluriel du titre, sa façon de tirer une caractéristique générale sur la maladie à partir d’un seul cas). Dans ce texte, on nous évoque le cas d’une femme sans nom, 30 ans, Indienne[^1] qui présente des symptômes de la maladie de Huntington – chorée, sautes d’humeur, insomnies (ce n’est que très tard dans l’article, étrangement, que l’on fait état de ses nombres de CAG qui sont de 47, ainsi le doute n’est pas permis). Mais les symptômes qui retiennent particulièrement l’attention des auteurs sont ses difficultés pour faire le ménage à la maison et son « hypersexuality » (ici, il est difficile de ne pas tiquer – et il n’est pas besoin d’être féministe radicale pour ça…). Elle-même fait état d’une « increased libido exhibited by an unusual increased interest in talks on sexual matters and excessive demand for sexual intercourse for the past four months ». Les auteurs prennent soin de remarquer que lors des examens neurologiques, elle essaie de prendre la main de son examinateur à plusieurs reprises.

Ce qui je trouve étrange c’est que d’après les auteurs, la plupart de la littérature médicale sur la MH montre qu’une perte de la libido et une hyposexualité sont en réalité observés bien plus fréquemment qu’une hypersexualité. Cette jeune femme montre donc un comportement plutôt rare. Or dans cet article, tout, depuis son titre jusqu’à la focalisation exclusive des auteurs sur l’augmentation de son appétit sexuel, est présenté pour renforcer l’idée que la MH provoquerait une désinhibition sexuelle. Je me demande bien pourquoi. Tout se passe comme si on cherche ici le croustillant et le spectaculaire autant que s’il s’agissait d’un article de presse à sensation.

Résultat des courses, alors qu’elle était déjà sous Haldol (anti-psychotique), on lui prescrit de l’Olanzapine (une autre famille de neuroleptique) : « For the management of hypersexuality, olanzapine was added to the existing treatment regimen of haloperidol and was gradually titrated up to 20 mg/ day, with dramatic improvement. » Tu m’étonnes.

[^1]: Les auteurs sont tous les deux Indiens et correspondants du Journal depuis New Delhi. Les Indiens, originaires du sud de l’Inde, constituent environ 8% de la population de Singapour.


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