ENTRAIDOLOGIE

20 mars 2019

Historique

Dans la foulée de nos travaux portant depuis 5 ans sur les ressources propres aux usagers de la maladie de Huntington (MH), il nous est apparu qu’il n’existait pas ou très peu de rencontres entre personnes se savant porteuses du gène causant la MH, qu’elles soient symptomatiques ou pas. Exception faite de la compagnie Kachashi qui organise depuis 15 ans des ateliers de danse pour personnes concernées par la MH en région parisienne, les personnes désirant se rencontrer entre pairs ne savaient pas où se tourner. Il existait bien, ici et là, des groupes de paroles pour proches de personnes malades, mais encore une fois, aucun groupe de cette nature pour les personnes porteuses et/ou malades elles-mêmes. De tels espaces de rencontre et de partage nous paraissant comme essentiels, nous avons créés de premiers groupes d’entraide dès 2014 à Paris. Organisés par trois personnes au départ, ce groupe, qui apporte un soutien indéniable aux participant.e.s., s’est élargi aujourd’hui à une trentaine de personnes en région parisienne et en Loire Bretagne.

Qu’est-ce qu’un groupe d’entraide ?

Ce n’est pas, à strictement parler, un « groupe de parole ». Car un groupe de parole, par définition, est dirigé par un professionnel (psychologue, travailleur social etc.), et prend place dans une institution, généralement hospitalière. Alors qu’un groupe d’entraide se situe dans le cadre de la « pair-aidance », c’est une initiative 100 % usagers qui souhaitent créer une dynamique d’entraide entres usagers, sans être supervisés par un professionnel. Ces groupes ne se substituent en aucune façon à l’offre de soin médicale et psychologique qui existe par ailleurs. Ils viennent en complément. Dans notre contexte, un groupe d’entraide est une réunion de plusieurs personnes qui se savent porteuses du gène, et qui souhaitent rencontrer d’autres personnes dans le même cas qu’elles pour partager leur expérience, échanger, se donner des conseils. Les groupes durent de deux à trois heures, et ont lieu au domicile des uns et des autres, ou dans un café, ou dans un lieu associatif. L’idée est de privilégier les lieux neutres (hors monde médical…), calmes et chaleureux. La fréquence varie d’une fois par mois à plus fréquemment, selon le désir des participants.

Thèmes abordés et état d’esprit

Les principaux sujets discutés sont les suivants : histoires individuelles et familiales, situation particulière vis à vis de la MH, problèmes rencontrés (physique, administratif, familial, social, psychologique…), solutions trouvées (vivrologie ou l’art de vivre avec sa MH, apprendre à se faire aider etc.). Le sujet du test et du diagnostic est aussi abordé. La tenue des groupes se déroule dans un état d’esprit positif, constructif et créatif, en partant des situations de chacun pour en faire un partage et une appropriation individuelle. Certains groupes préfèrent par exemple aborder Huntington sous la forme d’une « différence » dont on a décidé individuellement et collectivement de faire quelque chose, en l’acceptant au mieux, en s’adaptant chaque jour, en créant des liens forts entre les participants. Au final, une ambiance d’entraide se met en place, dont chacun est à l’origine et qui s’enrichit du collectif. Ce parti pris met d’emblée chaque participant dans une démarche d’appropriation réciproque de savoirs être et de savoirs faire qui les aide à ne pas sombrer dans la déprime. Ces apprentissages de savoir sont nombreux et forcément adaptés puisque mis au point par les membres eux mêmes.

Exemple de Cassandre : ayant fait le diagnostic en 2003, elle a passé 10 longues années de silence avant de rencontrer d’autres porteurs dans le cadre des groupes de paroles DDD, sans en parler à sa famille; seul son médecin et sa proche amie étaient dans la confidence ; venir au groupe lui a ouvert un horizon jusque là caché : on peut envisager d’un œil nouveau la MH en partageant avec d’autres les expériences de vie et passer d’une infinie solitude à une relation amicale et chaude avec ses pairs.

Une solidarité active

Au delà des rencontres physiques,chaque participant est en lien avec les autres membres du groupe par téléphone, mail, skype ou wattsapp. En cas de baisse de moral, d’angoisses ou de besoin de conseil, chacun, à sa mesure, peut aider l’autre, à la fois ponctuellement mais aussi sur la durée. Une solidarité instinctive se met en place et permet à chacun de trouver sans faille le soutien qu’il lui faut. Ce réseau de soutien mutuel apporte une grande aide à chaque personne, qui s’en trouve renforcée. Cette solidarité enrichit chacun et replace la MH dans une perspective constructive bénéfique à tous.

Exemple de Cassandre et Piano : en grande difficulté à son travail, Cassandre a vécu très difficilement sa situation de travail ; très à l’écoute et disponible, Piano l’a accompagnée pendant 2 ans dans chacune des étapes que Cassandre ignorait : contacter le médecin du travail, se trouver un réseau de médecins alliés (médecin traitant, psychiatre, neurologues), contracter une assurance de prévoyance pour compenser la perte de revenu, étudier les différents types de congés maladies possibles, poser le premier arrêt de travail dès que la difficulté à travailler se fait sentir, etc…

Présentation des groupes en vidéo par Alice Rivières lors du congrès européen sur la maladie de Huntington à Vienne, en septembre 2019.

Le projet ENTRAIDOLOGIE de Ddd.

À partir de janvier 2019, Dingdingdong développe ces groupes à l’ensemble du territoire. Objectif d’ici 2021 : création d’au moins un groupe d’entraide par région ! L’idée est d’apporter un soutien local pour lutter contre l’isolement, mais aussi, de créer un réseau national d’entraide. Une plateforme numérique est en train d’être réalisée afin de permettre une meilleure communication entre participants, et ce même s’ils vivent à l’autre bout du pays. Cette plateforme sera disponible à partir de 2020.

Chaque groupe est « facilité » par une personne ou un binôme de personnes, qui vont organiser concrètement les réunions (animation doodle, trouver un lieu, prévenir les uns et les autres). Ces « facilitateurs » sont les correspondants de Ddd, qui les encadre pour les former à la facilitation de groupe.

Une charte de fonctionnement est en train d’être rédigée à partir de l’expérience parisienne et nantaise. Cette charte pourra être enrichie au fur et à mesure de la création des groupes dans d’autres régions, et sera ainsi le référentiel de fonctionnement pour tous les groupes.

Comment nous rejoindre ?

Vous êtes porteurs du gène de Huntington et souhaitez essayer ? Ecrivez-nous à contact@dingdingdong.org (Emilie Hermant). Nous vous mettrons en lien avec les groupes existants, en fonction de votre lieu d’habitation. Et si un groupe n’existe pas encore dans votre région, nous essaierons ensemble de le créer !

Ce projet vous intéresse ? Aidez-le en le faisant connaître autour de vous !

Que vous soyez membre d’une famille concernée, soignant professionnel, bénévole etc., vous pouvez faire la différence en informant des personnes susceptibles d’être intéressées à participer à un tel groupe :

téléchargez le flyer !

Et les personnes à risque ? Et les proches ?

Pour l’instant ce projet s’adresse strictement aux porteurs, mais avec, en ligne de mire, l’idée que si les porteurs parviennent ainsi à mieux se prendre en main, à être actif dans leur histoire, c’est l’ensemble d’une situation, proches compris, qui sera soutenue. Et s’il vient aux proches l’envie de se rencontrer entre pairs, nous sommes à leur disposition pour les aider, avec joie. Quant aux personnes à risque, nous sommes bien évidemment solidaires de leur situation, de leurs doutes et interrogations. Nous sommes également à leur disposition si elles veulent discuter avec des personnes qui ont décidé de ne pas faire le test, des personnes qui doutent à ce sujet, et des personnes qui ont décidé de le passer. Nous ne préconisons bien sûr aucun choix en la matière, mais savons à quel point le fait d’en discuter avec des pairs peut aider à affiner sa propre opinion.

Découvrez d’autres témoignages de participant.e.s des groupes en regardant les extraits du film Absolute Beginners, qui sera bientôt intégralement en ligne.


Partenaires du projet Entraidologie : l’Association Huntington France et le Centre National de Référence maladie de Huntington (site Henri-Mondor).

Présentation écrite par Cassandre et Alice, deux participantes des groupes.


N’hésitez pas à réagir, interroger, proposer, commenter, développer, susciter, rebondir, renchérir… en écrivant à contact@dingdingdong.org.