Vive l’enthousiasme ! (mais au fait… qu’est-ce que c’est ?)
J’apprends quelque chose, qui n’a peut être qu’un rapport indirect avec ce qui nous occupe, c’est l’existence d’un phénomène de délire collectif qui s’appelle l’enthousiasme grec. Voir O. Brunfels et ses descriptions des Corybantes – O. Brunfels, Onomastikon medicinae, Argentorati, 1524, art. Corybantes.
« ENTHOUSIASME n. m. est un emprunt savant de la Renaissance (1546) au grec enthousiasmos “transport divin”, “possession divine”, formé sur le verbe enthousiazen “être inspiré par la divinité”. C’est un dérivé de l’adjectif enthous, forme contractée de entheos “animé d’un transport divin”, composé de en “dans” et theos “dieu” (-> athée, théologie). • Au XVIè s., le mot est employé avec la valeur de l’étymon, au sens de “délire sacré qui saisit l’interprète de la divinité” (l’enthousiasme de la Pythie) ; à la même époque, enthousiasme est attesté avec le sens étendu de “transport, exaltation du poète sous l’effet de l’inspiration” (1546, Rabelais), d’où vient un emploi littéraire du mot en parlant de la force qui pousse l’homme à créer. • Au XVIIè s., par une seconde extension de sens (1664, Molière), enthousiasme prend la valeur moderne d’“exaltation poussant à agir avec joie” (élan, mouvement d’enthousiasme), d’où le sens d’“admiration passionnée” (1689, Mme de Sévigné). Le mot est employé depuis le XVIIe s. en parlant d’une émotion collective suscitant une excitation joyeuse (débordement d’enthousiasme). Enthousiasme a perdu dans la langue courante, sa force originelle. » A. Rey, Dictionnaire historique.
Alors ça, c’est merveilleux. Pour une fois que l’on parle des états de la Pythie elle-même, de ses voyages, de ses expériences, et que cela soit contenu dans un mot qui recouvre, à la même époque, autant la Pythie que les poètes (« la force qui pousse l’homme à créer »), et que ce mot reste toujours aujourd’hui parfaitement d’usage, même s’il a perdu sa connexion aux dieux, pour qualifier les transports et la force de l’inspiration, quelle cohérence, quelle beauté ! Cela me remplit à mon tour de cette chose, oui, d’enthousiasme (à chercher, à étudier, à m’égarer, à trouver) !
Rapport de l’enthousiasme au collectif ; parmi les conditions de survenues de l’enthousiasme, contrairement à l’extase etc., il peut y avoir la présence du groupe : on se forge cette affaire à plusieurs.
Dans Wikipedia, j’apprends par ailleurs la chose incroyable suivante : « L’écrivain de science-fiction Thomas M. Disch a suggéré que les expériences mystiques du romancier Philip K. Dick se rapportaient à une forme d’enthousiasme. »
« Les Grecs inventèrent-ils ce mot pour exprimer les secousses qu’on éprouve dans les nerfs, la dilatation et le resserrement des intestins, les violentes contractions du cœur, le cours précipité de ces esprits de feu qui montent des entrailles au cerveau quand on est vivement affecté ?
Ou bien donna-t-on d’abord le nom d’enthousiasme, de trouble des entrailles, aux contorsions de cette Pythie, qui sur le trépied de Delphes recevait l’esprit d’Apollon par un endroit qui ne semble fait que pour recevoir des corps ? » Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « Enthousiasme ».
J’apprends ainsi que, si je comprends bien Voltaire, « enthousiasme » désigne également un spasme ? Un spasme orgasmique ? Que signifie donc « par un endroit qui ne semble fait que pour recevoir des corps ? » Il faudra que je demande à Tobie Nathan.