Voyages d’Alice Rivières dans le Huntingtonland : le Catlab

Par Alice Rivières28 avril 2015
Elena Cattaneo, Unistem day, 13/03/15.

Elena Cattaneo, Unistem day, 13/03/15.

Depuis près de deux ans, j’ai initié un travail romanesque intitulé Mutando (« en mutant », en latin) qui raconte mes explorations notamment dingdingdonguiennes dans le Huntingtonland. Parmi ces dernières, les travaux menés par le laboratoire de neurosciences à l’Université de Milan, familièrement appelé le Catlab parce qu’il est dirigé par le Pr Elena Cattaneo, a particulièrement retenu mon attention. Pourquoi ? Parce que le Catlab est le seul laboratoire à ma connaissance à s’intéresser à Huntington non seulement du point de vue de certains de ses mécanismes afin d’avancer dans la découverte d’un traitement, mais aussi et surtout parce qu’il développe depuis plusieurs années un projet très audacieux sur l’histoire phylogénétique de la Huntingtine – la protéine dont la mutation est en cause dans la MH. Une telle histoire met en regard la mutation de cette protéine chez les humains (qui se caractérise par une répétition de plus en plus longue de certains de ses nucléotides, les CAG, dont un nombre trop important génère la MH) depuis qu’elle est apparue dans les premières formes du vivant, il y a 800 millions d’années. Elle raconte la façon dont cette mutation n’a cessé de se maintenir et de se renforcer tout au long de la grande marche de l’évolution. Ce faisant, une telle histoire pose des questions auxquelles personne ne pensait jusqu’à présent : à quoi sert la Huntingtine normale (puisque toutes les espèces animales et tous les humains la possèdent) ? Pourquoi cette mutation, qui dans ses formes les plus accentuées génère la maladie, s’est-elle maintenue voire renforcée ainsi depuis tout ce temps ? L’hypothèse extraordinaire à laquelle travaille Cattanaeo et son équipe, est qu’il existerait un lien entre le renforcement de cette mutation et le développement du cerveau, chez quasi toutes les espèces du vivant. Dans un article daté de 2013 (1), Zuccato et Catteneo présentent un tableau de ces différentes espèces, où le nombre de CAG augmente dans une certaine mesure proportionnellement à l’évolution des fonctions supérieures du cerveau chez ces espèces. Ainsi, l’homme est la créature possédant le plus de CAG, juste après les primates, et pas loin devant le rat et les souris ! Forte de ces premiers résultats, l’équipe du Catlab a initié une nouvelle recherche exploratoire, cette fois sur des échantillons bien plus élargis et diversifiés pour chaque famille d’espèces. Un travail de fourmi et de titan en même temps, qui implique de séquencer les gènes recueilli au sein de plusieurs milliers d’échantillons – travail non soutenu financièrement par les instances publiques car les programmes de soutien à la recherche qui accompagnent habituellement la recherche fondamentale pour Huntington considèrent que ce projet est trop éloigné d’éventuelles applications thérapeutiques qu’ils soutiennent en priorité.

Afin de documenter mon roman en cours, j’ai déposé une demande à l’Institut Français (« missions Stendhal ») et reçu une bourse pour me permettre de passer du temps au sein du Catlab. C’est ainsi que j’ai pu y séjourner quatre semaines en complète immersion, du 6 mars au 4 avril 2015. J’y ai été accueillie les bras ouverts par Elena Cattaneo – qui a été nommée sénatrice à vie au Sénat Italien, où elle est notamment chargée des questions de biomédecine –, et par l’ensemble de son équipe adorable, que j’ai senti tout du long touchés et véritablement intéressés par une telle rencontre inédite – entre une jeune femme écrivain, porteuse de la MH, et des biologistes chercheurs travaillant sur la MH.


Début du journal de bord au Catlab, Milan (extraits)

Vendredi 6 mars 2015, jour 1.

J’y suis, c’est mon premier jour. Le CatLab, où l’on étudie Huntington beaucoup, et d’autres choses aussi. Où l’on touille génétiquement les fameuses « stem cell » – les cellules souches, si chèrement acquises sur des embryons, que ce soit chez les souris ou les humains. Dans l’avion, j’ai compté les jours où je serai à Milan : 35, dont plus de 25 dans les murs du labo. Gianni, le coordinateur général, qui vient du théâtre, beau visage barbu, toujours aux aguets, passionné de toute son âme, me présente tout le monde, j’oublie tous les prénoms instantanément. Je renifle l’odeur de je ne sais pas quoi d’un peu alcoolisé, sans doute de l’éthanol, tandis que nous pénétrons dans la grande salle des manipulations. Je vois Chiara Zuccato pour de vrai (nous n’avions que skypé jusqu’à présent). Mes manières de hugger les gens à l’américaine font bégayer les corps qui me saluent, je finis par serrer les mains, que les italiens broient littéralement (C’est affectueux – me rassure Gianni quand il voit que je palpe ma main pour vérifier qu’elle est encore là). Je suis émue de pénétrer ici, depuis tant de mois, voire d’années, que j’en rêve. Mais très vite l’émotion disparaît au contact de petits grumeaux techniques, mon ordinateur qui ne marche plus, internet qui bafouille, il faut tout réinitialiser : peut-être que c’est bien, que cette purge informatique est nécessaire pour que tout démarre comme il faut ? Nous sommes au quatrième étage d’un quartier universitaire, dans le nord-est de la ville. Sans ascenseur. Vais moins fumer et faire plus de sport avec tous ces étages. Dans deux mois le labo déménage au centre ville, à deux pas du Duomo. Mais pour l’instant c’est ainsi : nous bordons une voie ferrée où l’express pour Rome passe toutes les heures ou presque. Ici on ne peut que deviner le temps qu’il fait : les stores sont maintenus soigneusement fermés pour mieux voir les écrans d’ordinateur et les si belles images des microscopes électroniques.

Gianni m’a installée dans le bureau des post-docs et des seniors. On est quatre, chacun cliquète sur son ordinateur ; contrairement à ce que je pensais, ils sont tous italien-ne-s. Je pensais qu’il y aurait beaucoup plus de chercheurs étrangers, ça va être compliqué de comprendre ce qu’ils se racontent entre eux parce que je ne parle pas italien. Nos fauteuils à roulette glissent extraordinairement sur la surface du linoléum. Je m’accroche à ma paillasse, sinon je glisse en arrière. Je joue beaucoup avec ça, dès que j’ai fini d’écrire un paragraphe, je fais reculer mon fauteuil comme un peintre qui prend du recul en clignant un œil pour regarder son ouvrage.

J’écoute les voix qui fusent des bureaux, les sons résonnent fort à cause du carrelage. Je trouve que tout le monde a la même voix (c’est parce que je n’ai pas l’habitude). Il me semble que les femmes italiennes ont la voix grave, et que les hommes italiens ont la voix aiguë. De temps en temps, on entend des petites sonneries de réveil : je crois que ce sont les alarmes que les chercheurs activent quand ils sont à leur ordinateur pour aller suivre une de leurs expériences en cours dans les salles de manipulations.

Sur les ordinateurs de mes voisins :

• des articles de Pub med

• Un graphique, des IRM de cerveau (de quoi, de qui ?)

Et juste derrière moi, un homme travaille non pas à son ordi qui est éteint, mais sur un gros cahier d’écolier qui retient instantanément mon attention : ce doit être un journal de travail – y sont collées des petits tirages qu’il a dû faire dans la chambre noire où Gianni m’a dit que je n’ai pas le droit d’entrer car elle est radioactive.

Chiara m’explique que le labo se divise d’une certaine manière en deux groupes de travail distinct : ceux qui travaillent sur les mécanismes de maladies neurodégénératives et notamment de la MH (en particulier à l’aide de cellules souches), et ceux qui travaillent sur l’évolution, l’affaire phylogénétique – que j’ai baptisé il y a quelque temps : l’hypothèse milanaise. En tous cas ici, tout le monde travaille d’une manière ou d’une autre sur la MH, que ce soit directement ou pas.

Chiara Zuccato travaille sur le fameux Adam10, une protéine qui joue le rôle de facteur de croissance pour les cellules, et qui serait d’après ses travaux crucial pour comprendre les mécanismes de la MH. Chiara est aussi la conseillère médicale de l’association italienne MH (Associazione Italiana Corea di Huntington, plus connue sous son acronyme AICH, l’une des quatre associations majeures du pays qui correspondent chacune à l’une des quatre méta-régions italiennes : le nord avec Milan, la région du centre avec Rome, le sud et la Sicile avec Naples et je n’ai toujours pas identifié la quatrième, ça viendra).

J’ai l’impression d’être dans une boulangerie/pâtisserie avec un free pass : tu peux goûter à tout ce que tu veux. Il va falloir que je procède avec méthode (même dans La Grande Bouffe, il y a de la méthode).

A. Rivières et l'équipe du Catlab, avril 2015.

A. Rivières et l’équipe du Catlab, avril 2015.

Lundi 9 mars 2015 (jour 4)

Il y a une temporalité que j’aime bien ici, qui est très différente d’un bureau normal : les aller-retours entre ce que j’appelle faute de mieux les paillasses et où il s’agit d’expérimentations, et les bureaux à proprement parler, où il s’agit de consigner au propre ce qui en résulte, d’écrire et de lire des choses provenant d’autres laboratoires : de fabriquer des rapports, des liens entre tous ces éléments, et de les raconter au fur et à mesure. Le matin, j’ai l’impression que tout ce beau monde est à la paillasse et l’après-midi, beaucoup sont à leur bureau pour écrire ce que j’imagine être des notes d’expérience. En fin d’après-midi, ils impulsent un nouveau cycle d’expériences avant de quitter le labo, et j’imagine (à vérifier), que leur premier geste du matin est de découvrir ce qui s’est passé sur leur paillasse et ainsi de suite. Si la matière est perpétuellement frottée ici, un tel frottement ne se fait pas qu’à la paillasse, il se fait tout autant aux bureaux. Les chercheurs font constamment des allers et retours entre ces deux espaces, ils mettent une blouse blanche et des gants en plastique bleu lorsqu’ils pénètrent dans l’espace-paillasse, et redeviennent civils lorsqu’ils pénètrent leur bureau. L’espace-paillasse a une odeur très particulière, ça sent l’alcool de pharmacie, en tous cas j’aime bien, ça sent presque la colle forte, une odeur-esprit, très fine, délicate et pointue en même temps.

Mercredi 11 mars 2015 (jour 6)

Hier soir, lors de sa conférence au théâtre Parenti, Elena (Cattaneo) a montré un mini film prodigieux sur la petite amibe dont elle et Chiara font le point de départ de leur article « Htt Evolution and Brain Development » : Dictyostelium disoideum – que j’appellerais Dicty. Dans l’état actuel de la recherche, on peut dire que Dicty est le premier organisme vivant au sein duquel le gène HD est apparu. Ce gène présente des répétitions de CAG, mais pas encore au bon endroit : les répétitions de CAG dans le locus du gène qui sont caractéristiques de la mutation Huntington n’apparaîtront qu’avec l’oursin de mer. Chez Dicty, ce qui apparaît, c’est le gène qui code pour la protéine Huntingtine, autrement dit la préfiguration de notre histoire de répétitions de CAG. Du point de vue de l’évolution, l’emplacement primordial de la mutation Huntington se passerait (le conditionnel est toujours de mise à ce stade des résultats) du côté de chez Dicty.

J’avais lu cette histoire en passant dans l’article de Chiara et d’Elena, et j’avais juste noté « être » dans la marge au crayon, sans aller plus loin. J’inscris ainsi dans la marge des articles scientifiques l’apparition de tangibilia – néologisme de Roland Barthes pour désigner ce qui relève du tangible, car ce sont mes repères à moi pour m’y retrouver, comme le Poucet avec ses cailloux blancs : tiens, voici un être.

Or hier, grâce au petit film en noir et blanc présenté par Elena, j’ai véritablement fait la connaissance de Dicty.

Rassemblant seulement alors les fragments de mon esprit effiloché, je me suis rendue compte que Dicty correspond justement à l’un des passages du livre d’Ameisen, La Sculpture du vivant, qui m’a le plus fasciné, et qui porte sur les spores. Ameisen décrit cet organisme comme une moisissure, mais Elena parle plutôt d’amibe. Sans doute parce que moisissure et amibe, ce n’est pas loin.

Quel bel être. Je ne sais pas s’il sera l’un des personnages de mon roman, mais en tous cas c’est un personnage en puissance. Je le laisse enfler en moi, avec la déférence que l’on doit à l’ancêtre.

Puisque c’est une amibe, on parlera de Dicty au féminin. Elle a été beaucoup observée à des fins de recherche, car ses « voies de signalisation » présentent de nombreux points communs avec d’autres eucaryotes. Elle se nourrit de ce qui est encore plus petit qu’elle, autrement dit de bactéries. Elle nous montre tout de ce qu’elle a ; c’est un organisme transparent, limpide : me voici telle que je suis. Mais (si je comprends bien), ce qui est encore plus fabuleux, c’est qu’elle nous montre comment d’unicellulaire elle devient multicellulaire, en faisant se regrouper ses congénères, naguère rassemblées à l’intérieur d’une colonie, en un grand organisme multicellulaire.

Du point de vue du CAG, elle est l’être Zéro : avant elle, il n’y en avait pas, après elle, tout peut démarrer (je simplifie sans doute trop, mais pour l’instant j’ai besoin de poser les choses ainsi).

Or c’est un être complètement insensé. Un être a un mode d’existence donné et parfois il se métamorphose. Mais ce que fabrique Dicty rend la notion même de mode d’existence tout étriquée. Ameisen : « C’est une colonie qui, lorsque l’environnement devient défavorable se met à “former un corps compact”. Ce corps, rassemblant progressivement plusieurs centaines de milliers de cellules, commence à se déplacer comme une limace, puis, au bout de 24 heures, se dresse – vertical – au dessus du sol. C’est un véritable corps, au sens où il est formé par un agrégat de cellules attachées les unes aux autres dans l’espace. Mais c’est un corps transitoire, qui, lorsqu’un environnement redeviendra favorable, se redissociera pour redonner naissance à une colonie cellulaire, formée de cellules-individus qui, un jour peut-être, reformeront pour un temps un “nouveau-corps. » (p. 264-265 de La Sculpture du vivant).

Dicty est une espèce de corps transitoire en perpétuelle transition. À la lumière d’un phénomène pareil, un tel corps-fleur, la notion de métamorphose est trop lâche, trop fourre-tout. Quand elle devient fleur, la tige de Dictyostelium est constituée de cellules qui meurent, tandis qu’au sommet repose une sphère composée de cellules vivantes mais inactives, capables de survivre, jeûnant, en attente d’un déclenchement environnemental, pour se transformer à nouveau en cellules actives.

On parle aussi de « slime mold » pour le genre d’organisme qu’est Dictyostelium. « Slime » pour gluant/gélatineux et « mold » pour moisissure.

J’apprends que spore est féminin. Chaque amibe unicellulaire est issue d’une spore. J’aurais dû faire grec plutôt que latin, car chaque mot rencontré est en fait complètement grec. Par exemple kyste. Kyste, quand on ne sait pas le grec, c’est moche et vaguement menaçant parce qu’on pense tout de suite à la tumeur. Kyste veut dire poche et vient du mot grec pour dire vessie (à vérifier toutefois car je n’ai pas de bon dictionnaire à portée de main). Les mots utilisés pour décrire des choses du corps (et de la nature en général) proviennent d’autres parties du corps (et de la nature). J’ai une petite vessie à l’intérieur de mon sein. Les spores fabriquent une petite vessie, voire une vessie géante, pour créer de nouvelles amibes.

Dicty a trois modes non pas tant d’existence, mais de devenir. La première de ses voies consiste en la transformation vers une forme de résistance appelée kyste. Ce kyste redonne une amibe quand les conditions redeviennent favorables. La seconde voie est celle de la reproduction sexuée qui comprend une étape d’agrégation entre plusieurs amibes pour donner un macrokyste qui après méiose donnera naissance à de nouvelles amibes. La troisième voie, la plus courante, est choisie par les amibes en cas de carence nutritionnelle (c’est celle décrite par Ameisen dans son livre). Dans ces conditions, Les amibes secrètent un chimioattractant qui dans le cas de Dictyostelium discoideum est l’AMPc (activateur je crois, qui est en tous cas beaucoup observé par les chercheurs). L’agrégation de quelques amibes entraîne la formation d’une forte source d’AMPc qui attire les amibes d’alentour. Après cette phase d’agrégation, les amibes forment un pseudo-plasmode. Ce pseudo-plasmode ressemble à une petite limace, pouvant atteindre quelques millimètres, constitué de milliers d’amibes agglomérées et vivant en société. Ce pseudo-plasmode peut persister pendant plusieurs jours à la recherche de conditions favorables. Il se forme ensuite un sporocarpe qui est la fructification du pseudo-plasmode. Ce sporocarpe est constitué d’une tige supportant une boule d’amibes qui se différencient en spores pour se disséminer. (Sources : Wikipedia).

Reformulons : s’il n’y a plus assez à manger, Dicty se regroupe avec ses sœurs et toutes se déguisent ainsi en énorme limace (de quelques millimètres tout de même, alors qu’au stade d’avant on était dans le monde de l’invisible à l’œil nu), afin d’arpenter le sol à la recherche de nourriture. Si ça ne suffit pas, elles se dressent et fabriquent un sporocarpe (c’est une sorte de vaisseau protecteur pour spores), qui ressemble à une fleur (et qui en a certaines caractéristiques), avant de se re-décompacter pour reprendre leur forme de colonie (comme si de rien était, si l’environnement s’y prête). Elle peut aussi se reproduire sexuellement. Et puis on a trouvé récemment qu’elle est capable de cultiver des bactéries (pour s’en nourrir) : quand elle est en mode fleur (sporocarpe), elle emmagasine à l’intérieur de son habitacle des bactéries vivantes. « Ces bactéries sont ensuite dispersées avec les spores, fournissant ainsi à l’amibe de la nourriture quel que soit l’endroit où elle se trouve. Cette association entre les amibes et les bactéries est stable, c’est-à-dire qu’une colonie capable de conserver des bactéries garde cette capacité à la génération suivante; inversement, les amibes ne « cultivant » pas de bactéries ne le feront jamais. » (Wikipedia).

J’apprends au passage que les truffes sont des sporocarpes, qui vivent en sous-sol jusqu’à ce que, déterrées par les sangliers et les cerfs, elles puissent enfin disperser leurs spores…

Je crois qu’il m’arrive l’un de ces écueils redoutables dans ce genre de travail : je suis tombée dans un trou fascinatoire pour Dictyostelium. Du coup je ne pense qu’à elle, et j’oublie tout le reste (à commencer par les chercheurs qui m’entourent au Catlab et que je suis pourtant venue rencontrer). Si ça se trouve, pour les biologistes et cie, Dictyostelium, c’est une tarte à la crème. Si ça se trouve, tout cela a été déjà bien des fois raconté dans des romans de science fiction notamment ? Peut-être, mais moi je tombe des nues.

Je la contemple dans le petit film noir et blanc qu’a utilisé Elena hier au théâtre et que j’ai pu retrouver facilement sur internet. Et je la contemple à nouveau. C’est une splendeur.

En tous cas, le petit surnom de Dictyostelium discoideum est « l’amibe sociale ». (Ça rappelle le surnom qu’Elena a donné à la Huntingtine : une protéine sociale… Il faudra que je lui demande si elle s’est inspirée de Dicty.)

Un article de Nature, « Altruism and social cheating in the social amoeba Dictyostelium discoideum », (de Joan E. Strassmann, Yong Zhu & David C. Queller) raconte qu’à son stade de fruitisation (son corps-fleur), Dicty est carrément une société : « really a society ». En tous cas je ne suis pas la première à faire pousser la métaphore depuis Dicty, par exemple pour y lire des enseignements sur la façon de faire société – à la suite d’Ameisen par exemple. Le geste de comparer, d’être inspiré, de faire des métaphores depuis tout cela semble irrésistible.

Jeudi 12 mars 2015 (jour 7)

Ce qui est génial, ici, c’est quand je sens que je n’ai plus de force, que j’ai sommeil ou que j’ai un trou, il suffit que je me lève et que j’aille dans la salle des paillasses, que je me penche au dessus de l’épaule du premier venu, et que je demande : qu’est-ce que tu fabriques ? Et alors c’est tout un roman, ésotérique, certes, mais une belle fiction tout de même qu’on m’offre là, qui tient bien, consistante en elle-même. Et ça me fait du bien.

Vendredi 13 mars 2015 (jour 8)

Hier, j’ai fait une petite conférence à l’unistem-day. Je crois que ça a duré 8mn ce qui a ravi Gianni qui était le contrôleur du temps et qui m’avait donné moins de 10 mn. À la fin, j’ai montré un photogramme de X men, issu de l’opus n°3, quand l’ambassadeur des mutants est en réunion avec le président des Etats-Unis et qu’ils cherchent ensemble une voie de négociation. Je leur ai dit : c’est ça qu’il faudrait pour améliorer le sort de ceux qui vivent avec la MH : de la diplomatie. J’ai ensuite demandé officiellement à Elena Cattaneo, devant un public de 400 témoins, si elle voulait bien devenir l’une des ambassadrices des Huntingtoniens, et elle a dit Oui.

À la fin de ma conférence, un vieux monsieur s’est approché et m’a demandé mon nombre de CAG. Je lui ai répondu et alors il m’a fait un baise-main. Je ne saurai jamais qui il était, j’ai été sans doute hypnotisée par ce moment et je suis restée pantoise.

(à suivre)

Note : (1) Chiara Zuccato et Elena Cattaneo, « Htt Evolution and Brain Development », in F. H. Gage and Y. Christen (eds), Progammed Cells from Basic Neuroscience to Therapy, Springer, 2013.


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