La responsabilité d’Ellie

12 février 2018

Anna nous a envoyé ce récit bouleversant que nous relayons ici afin que les praticiens impliqués dans le diagnostic génétique pré-natal, ainsi que les usagers, se rendent compte à quel point il est nécessaire d’être particulièrement inflexibles quant au respect du planning annoncé. Dans le cadre d’un diagnostic pré-natal, l’analyse génétique et les dates de retour effectif des résultats doivent faire l’objet d’une vigilance toute particulière afin d’éviter des drames tels que celui qu’Anna et son mari ont vécu. Nous avons été secoués à la lecture du texte d’Anna, et si nous le publions, c’est pour secouer à notre tour les professionnels impliqués dans la pratique du DPN : ces drames sont évitables.

Acronymes :

MH : maladie de Huntington

DPN : diagnostic pre natal

IMG : interruption médicale de grossesse

J+3 après le DPN d’Ellie – 2 mars 2017

Ellie, c’est le nom qu’on t’a choisi, alors même que tu n’es pas encore là et que nous ne savons pas encore si tu feras partie de notre avenir. J’ai 31 ans, je suis enceinte d’Ellie de 2,5 mois et porteuse de la MH. Avec mon mari, nous avons échoué à l’épreuve du test prédictif il y a 2 ans et demi. C’est le temps qu’il nous a fallu avant de pouvoir être en mesure de nous agrandir. Ellie a passé le test elle aussi, il y a 3 jours, par le biais du très poétique DPN (diagnostic pré-natal) et nous attendons les résultats. Une semaine. Une semaine pour savoir de quelle manière notre avenir va être bouleversé.

Les montagnes russes que je traverse depuis 2 mois ne ressemblent en rien à tout ce que j’ai déjà pu ressentir et vivre avec la MH. Ce sentiment si particulier de mettre ma grossesse « dans une boîte », en attente des résultats, quelque part entre le ciel et la terre, est indescriptible.

Nous nous sommes empêchés de nous réjouir en apprenant ton arrivée ; et nous avons aussi empêché nos proches de le faire, si tentant que ce fût, si heureux que nous étions intérieurement. Mais nous ne pouvons pas nous réjouir, ou nous autoriser à l’être, la perte et le deuil n’en seraient que plus grands. Nous sommes égoïstes Ellie, mais nous devons nous protéger pour te protéger aussi. Nous sommes tous les 3 dans « la boîte », celle qui annule les émotions et les sentiments. Celle où l’on s’est enfermé au chaud, où tu n’existes pas vraiment et où l’on tarde à faire ta connaissance par crainte de te perdre si vite. Cette boîte qui n’est qu’attente et longueur de temps, qui transforme les minutes en heures et les jours en mois. Dans une semaine, nous saurons si nous sommes 3 heureux à sortir de cette « boîte » ou si malheureusement tu devras nous quitter, nous laissant le cœur lourd.

Parfois je te parle, pour ne pas que tu t’inquiètes, pour que tu comprennes que la vie sans H doit gagner et que préserver nécessite parfois un peu de violence. Alors je te demande pardon, ma fille, de t’imposer tout cela à un âge si précoce mais c’est pour t’éviter un parcours du combattant, le même que je vis depuis des années. Je ne peux pas me résoudre à prendre le risque que tu traverseras potentiellement les mêmes épreuves. Le doute permanent, l’angoisse de l’avoir ou pas, la décision de savoir ou ne pas savoir, puis finalement, la décision de savoir. Et puis l’épreuve, longue, éreintante, bouleversante du test prédictif ; l’attente, l’espoir, la volonté d’écrire une autre histoire sans MH font tenir tout ça debout. Et enfin l’explosion, le résultat comme un coup d’épée dans le ventre : PORTEUSE. Comme si désormais, j’avais ces mots gravés sur mon front et que j’étais définie par cela. Que toute ma vie serait désormais régie par cela. Le vide, l’angoisse, la tristesse, le chamboulement sont si grands. Alice Rivière écrit tout cela très bien dans le manifeste de Dingdingdong, ouvrage qui m’a fait un bien fou pour surmonter cette épreuve. Je ne souhaite à personne de vivre cela et surtout pas à toi Ellie. Ma première responsabilité en tant que mère est de t’épargner la souffrance, dans la mesure du possible.

A toi que je sais déjà être une fille, comment puis-je envisager de te voir traverser la même épreuve du DPN ? L’ambivalence des sentiments qui accompagne cette démarche, la force et le cap qu’il faut maintenir envers et contre tout, le deuil potentiel qu’il faut se préparer à vivre. Le deuil de ne pas te voir grandir, vivre. Pour embrasser un avenir plus serein et sans MH. Si toi et H ne font qu’un, on laisse H gagner sur la vie. C’est très difficile à accepter, savoir que l’on décide d’arrêter une vie, c’est beaucoup de responsabilités. Après tout, moi qui suis porteuse, n’ai-je pas vécu une vie qui mérite d’être vécue ? Avant la maladie, qui arrive tard dans notre famille, la vie suit son cours malgré tout et on peut vivre une belle cinquantaine d’années. Qui sommes-nous pour décider que cette vie, la même que je vis, n’est pas digne d’être vécue ? Que pouvons-nous répondre à ceux qui nous disent de te garder malgré tout et de croire en la recherche ? Que puis-je répondre à mon cœur qui se déchire en deux quand je pense à la possibilité de l’IMG (Interruption Médicale de Grossesse) ?

La responsabilité qui nous incombe est énorme et le choix violent. Mais par le sacrifice que nous représentons, toi, D. et moi, nous libérons la voie.

« Il n’est point de bonheur sans liberté et de liberté sans courage » (*Périclès). Je me dis que je suis une sorte de guerrière des temps modernes : je dois avoir le courage du sacrifice pour pouvoir vivre libre et permettre à ma famille de vivre libérée de la MH. C’est ma responsabilité, mon combat contre la MH. Tout cela me dépasse et te dépasse Ellie, il faut regarder plus loin que ce potentiel IMG, il faut penser à toute la souffrance que l’on peut éviter à d’autres par le sacrifice qu’on s’impose.

Le test DPN a eu lieu il y a trois jours. Et bien que l’équipe médicale se soit donnée beaucoup de mal pour que tout cela se passe bien, mon cœur et mon corps ont été très affectés par cette épreuve. Le bloc opératoire, l’aiguille qui paraît gigantesque alors que tu ne fais que 7 cm, la peur, le stress, la conscience de tout et la solitude dans ce grand bloc tout blanc ou personne ne peut entrer, ont été pour moi très traumatisants. Je suis sortie presqu’en courant pour retrouver mon mari, anxieux et blanc comme un linge dans la salle d’attente. Si nous l’avons vécu avec tant de violence, je me demande comment toi tu l’as perçu Ellie ? Alors j’ai décidé de t’écrire pour que tu comprennes pourquoi. Et aussi pour partager notre histoire avec d’autres familles comme nous.

J+ 10 – mardi 7 mars 2017

L’attente a été plus longue que prévue… On pouvait s’attendre à avoir les résultats du DPN au bout de 5 jours, « max une semaine », mais malheureusement, la généticienne a été, je cite : « présomptueuse » de le penser et nous avons du attendre 10 jours pour connaître ton statut génétique Ellie. Cette attente a fini de consommer l’état léthargique dans lequel nous nous trouvons depuis 2 mois. Nos amis disent ne nous avoir jamais vus comme cela, c’est comme si nous n’existions plus vraiment, suspendus à l’annonce fatidique, tout à tour déprimés, tristes, parfois heureux (« et si… »). Cette boîte nous aura valu quelques rides et cheveux blancs supplémentaires. Et malheureusement, nous ne sommes pas au bout de nos peines car le résultat, tombé le mardi 7 mars à 18h15, n’est pas bon.

Le choc d’abord.

Alors que la voix de la secrétaire, pleine d’empathie, ne laissait rien augurer de bon, celle de la généticienne, qui sort de réunion et nous demande de patienter, elle cherche un coin tranquille. Je n’ai pas voulu voir tous ces signes qui se sont multipliés avant LE résultat. Mauvais forcément. La colère s’empare de moi. Dans ma famille, sur 5 tests prédictifs, TOUS se sont révélés positifs à la MH. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? Pourquoi mon mari doit-il supporter tout cela ? Pourquoi dois-je devenir responsable de quelque chose dont je ne suis pas responsable ? Et puis, la tristesse, les larmes… Et la certitude. On ne peut pas te faire endurer tout cela Ellie. Maintenant que l’on sait avec certitude que tu es porteuse de la MH, on nous demande de réfléchir à nouveau à notre décision. Te garder ? Impossible. Toutes mes craintes de te voir vivre le parcours MH se réaliseraient. On devrait te mentir pendant 25 ans, te cacher un fait génétique que tu ne voudrais peut-être jamais connaître. Et pourtant, on t’aime déjà tellement. On a déjà cru te perdre par fausse couche il y a un mois, animant ainsi tous les sentiments que nous avions mis dans « la boîte ». Ce n’est pas l’envie de te garder qui nous manque. C’est un crève-cœur de se résoudre à poursuivre notre cap, celui dont je t’ai parlé un peu avant, qui nécessite le sacrifice de ton deuil pour écrire une histoire sans MH.

Notre première responsabilité de parents est de te protéger, même si cela signifie te perdre. On programme l’Interruption Médicale de Grossesse et on ne sera jamais assez préparé à ce qui nous attend. Elle aura lieu le mercredi 15 mars. Et là encore, les informations seront diffusées au coup par coup, sûrement pour nous épargner, ne faisant ainsi qu’allonger notre souffrance…

Comme j’ai dépassé les 3 mois de grossesse (de seulement 10 jours), je vais devoir subir une IMG « par voie basse », avec un « travail qui peut durer un peu ». Pas d’IMG par curetage sous anesthésie générale pour moi. Comprenez : je vais devoir accoucher, à la maternité, en salle de travail sous péridurale, bien consciente de tout, et cela peut prendre entre 10 et 20 heures. Pendant qu’au même moment, des mamans donneront la vie dans les salles d’à côté, je serai en train de me séparer de toi petit ange. Bienvenue en enfer.

Et comme si cela ne suffisait pas, je rentre à l’hôpital le jour de mon anniversaire… Amis de la numérologie, éclatez-vous. D’autant que, parenthèse non liée au DPN, j’ai perdu mon grand-père de la MH le 12 mars et que son enterrement est prévu la veille de l’IMG.

Deux jours avant l’événement, nous avons rendez-vous avec la sage-femme et l’anesthésiste pour nous expliquer le déroulement de l’intervention. Pendant une heure, on nous explique avec des schémas la péridurale, les piqûres et autres cathéters, les stades d’ouverture du col de l’utérus (médicament à prendre deux jours avant, placement de « laminaires » la veille pour préparer le col, les médicaments qui seront placés toutes les deux heures dans mon vagin pour provoquer le travail), le « travail » du col, qui pour s’ouvrir, va mettre très longtemps, à partir de la mise en place du premier médicament. « Dans votre cas, comme il s’agit d’une première grossesse, le col est bien fermé, le travail peut raisonnablement durer une douzaine d’heures, s’il n’y a pas d’urgences à gérer en priorité ». Ben oui Ellie, nous ne sommes pas prioritaires. Nous sommes programmées. On nous propose un suivi psychologique et on nous remet un livret détaillant toutes ces étapes. Et on nous renvoie chez nous. Voilà Ellie, tu vois, c’est simple et scientifique, médical, froid. Tu vas partir comme ça. A l’envers. Là où les autres mamans attendent la péridurale comme un soulagement pour apaiser leur douleur, je vais commencer par la péridurale en anticipation de la douleur. Là où les autres mamans vont donner la vie et repartir avec une petite en pleine santé, moi je vais t’ôter la vie Ellie et tu ne repartiras pas avec nous. Mais ils appellent ça et ils comparent ça à un accouchement. Combien de « comme un accouchement à terme » avons-nous entendus pour décrire l’IMG. Vraiment ? Faut-il être sans cœur ou sans psychologie pour comparer les deux… On nous explique aussi que nous pouvons te voir après l’intervention, qu’une photo de toi sera prise ainsi qu’une marque de tes empreintes de pieds. Aussi, on nous informe très calmement qu’après l’intervention, ton petit corps peut être pris en charge par l’hôpital (incinération 10 jours « après » et dépôt des cendres au jardin des souvenirs). Mais nous avons aussi la possibilité de te déclarer à l’état civil et d’organiser tes funérailles comme nous le souhaitons. Tout cela ne nous avait jamais traversé l’esprit quand nous nous sommes lancés dans l’épreuve du DPN. Nous n’avions eu écho que de la version courte.

Le cœur brisé, nos âmes en peine, nous partons de cet endroit sordide pour aller enterrer mon grand-père. Je suis bouleversée, la tristesse que je ressens est immense et la colère insoutenable.

J+15 – Mercredi 15 mars 2017

Je tiens à raconter l’IMG afin que des couples dans notre situation puissent savoir ce qui peut se passer dans le pire des cas c’est-à-dire des délais à rallonge qui ne permettent pas une IMG par curetage, bien que je doute que cela soit plus facile à vivre. Je suis donc enceinte de 3 mois et 10 jours, il est 9h, je rentre en salle de travail au service des naissances. Quand même, je suis rassurée d’être au service des grossesses pathologiques, et j’imagine un accompagnement singulier. Mon mari peut être à mes côtés mais seulement lui. Mes parents attendront, morts d’inquiétude dans la chambre d’hôpital sans pouvoir descendre.

Pour info, il est possible d’amener un ordinateur, de la musique, des films, des livres et à boire « pour passer le temps ». Par contre, aucune sortie possible ni rien à manger pour moi. Mon mari est lui libre de ses mouvements, si ce n’est qu’il est tiraillé entre le besoin de prendre l’air, des forces ou rester me soutenir. Le personnel médical a été formidable, plein de force, de vie, d’humanité. Ils ont su trouver les mots justes pour tous les ascenseurs émotionnels, les peurs, les craintes. Ils nous ont aidés à lâcher prise, à te laisser partir quand tout mon corps ne voulait pas. Je ne sais pas encore que je vais rester sur ce lit d’hôpital 18 heures. 9h : on me pose la péridurale et la perfusion sans heurts grâce à la douceur de l’anesthésiste et aux bras de Maria, la sage-femme. Je leur ai parlé de la MH, de toi Ellie, elles ont compris, pleine de compassion, que tu existais. Elles ont compris ma peine.

9h45 : mon mari me rejoint. La péridurale fait effet à gauche mais pas à droite, on injecte un « bolus » (une dose). Maria nous demande si nous souhaitons voir le fœtus, « après ». Nous refusons. Elle nous demande ton nom complet pour te faire un bracelet.

13h30 : il y a eu des urgences à traiter, une césarienne si j’ai bien compris. Cela fait 3h45 que je m’injecte la péridurale pour ne rien sentir. Voici l’obstétricienne et l’équipe médicale. Ils me posent le premier médicament pour ouvrir le col et commencer le « travail ». Je fais une réaction à la péridurale qu’on m’indique « normale » : je tremble de tout mon corps sans pouvoir contrôler quoi que ce soit. C’est parce que le liquide anesthésiant est froid et donc le corps réagit. Maria nous informe qu’elle repassera dans 2 heures pour voir où en est « le travail » et mettre un autre médicament. Mon mari met de la musique.

15h30 : revoilà Maria. J’injecte, j’injecte le liquide qui me fait tourner la tête, baisser la tension et me rend « stone ». Elle inspecte l’ouverture du col, remet un médicament, prévient qu’elle revient dans deux heures. On commence à comprendre avec mon mari qu’on en a pour longtemps… très longtemps. Je suis à la fois fatiguée, sans force et incapable de dormir. Je reste rivée les yeux sur cette horloge au dessus de la porte… deux heures de plus. 17h30 : Maria a réussi à percer la poche des eaux, après de longues manipulations. Elle pense que cela peut accélérer le travail et en amorcer la fin. Et là, tout d’un coup, LA question me transperce : « Est-ce que c’est maintenant qu’Ellie va mourir ? ». La sage-femme, avec beaucoup de douceur et de tact m’explique qu’en réalité, le travail mené depuis le matin entraîne des contractions que le fœtus à ce stade ne peut pas supporter. Ok, donc tu es déjà partie Ellie, maintenant c’est à moi de te laisser partir.

19h30 : l’espace n’est toujours pas suffisant pour te laisser passer Ellie. Cela ne bouge pas. Maria me dit que je dois lâcher prise, accepter de te laisser partir. Je te dis au revoir, et que je t’aime. Je prie pour que cela s’arrête. J’ai la nausée, je tremble à nouveau à chaque injection, je suis épuisée. Rien ne se passe. 21h30 : Barbara a pris le relais. Elle a l’air de celle qui va nous aider à en finir. Elle remet des cachets à l’intérieur. Elle m’ordonne de m’injecter l’anesthésiant (j’avais des sensations sur le côté droit). Elle s’en va, je craque. Je pleure, je crie de rage, de colère, de fatigue. Je n’en peux plus. Et tout d’un coup, mon corps me lâche. Sans que je m’y attende, je me retrouve endormie comme une masse. Pendant 2 heures. C’est à ce moment là que tu es partie, sans que je ne puisse rien sentir. A 23h25.

23h25 : tu es descendue, tout se met en place. L’obstétricien arrive pour te sortir de là. Et enlever le placenta. Un drap est tendu entre toi et nous pour ne pas qu’on te voit. Je ne quitte pas ton papa des yeux, je suis sur une autre planète.

00h15 : c’est terminé. Mais on devra rester encore là, dans les vapeurs des produits anesthésiants jusqu’ à ce que le bas de mon corps se réveille c’est-à-dire jusqu’à 3h30. A 4h du matin on me servira un petit plateau repas et on m’interdira de fumer une cigarette avant qu’on ne tombe tous les deux dans un sommeil sans rêve.

Jeudi 16 mars

7h : réveillés pour le petit déjeuner et les vérifications d’usage.

10h : on m’informe que je peux si je le souhaite rentrer chez moi. Je suis un peu surprise, je ne peux pas donner de réponse sur le moment, le laps de temps est très court depuis la fin de tout « cela ». On me répond, qu’il n’y a pas de contre-indication puisque « tout s’est bien passé » mais que nous pouvons rester là si nous le souhaitons, c’est notre choix.

10h15 : la dame des obsèques vient nous demander ce que nous voulons faire de toi et nous expose à nouveau les possibilités que nous avons (funérailles ou jardin du souvenir). Nous devons décider avant de partir ou du moins leur donner une réponse ce jour, quitte à revenir dessus dans les 10 jours qui suivent (délai légal pour changer d’avis). Nous leur donnons une réponse.

11h : nos meilleurs amis et mon frère sont là pour nous soutenir. Je vois à leur tête qu’ils sont inquiets de la notre.

11h15 : La psychologue du service génétique vient nous rendre visite comme nous l’avions convenu en amont. Nous ne réalisons pas vraiment tout ce qui se passe mais nous sommes soulagés d’en avoir fini, c’était interminable.

12h : Une sage-femme vient me donner les médicaments anti-montée de lait et nous informe que nous pouvons partir quand nous voulons ;

14h : nous rentrons chez nous, crevés et complètement incapables de réaliser ce qui vient de se passer ; nous sommes sortis du bloc il y a tout juste 10 heures. On aurait peut-être dû rester à l’hôpital un peu… mais on est quand même mieux chez nous pour nous reposer. C’est juste que par conséquent, c’est très difficile de concrètement réaliser ce qui vient de se passer.

La suite : 14 jours après l’IMG

C’est dur. On réalise que tu n’es plus là Ellie et tu nous manques déjà énormément. Mon corps reprend ses droits de femme non enceinte, les hormones redescendent avec leur lot de joyeuses conséquences émotionnelles et physiques. Je ne peux pas voir de femme enceinte ni de petite fille sans avoir le cœur serré et les larmes aux yeux. Parfois ça va, tout cela a du sens. Et puis d’autre fois, je pleure sans pouvoir m’arrêter tant la tristesse qui me gagne est incontrôlable. On a repris doucement le cours de notre vie mais on ne sera plus jamais les mêmes.

Mon mari pense qu’il faut être un couple solide pour traverser ce que nous avons traversé car il faut pouvoir répondre à des questions essentielles de la vie et composer à deux : le droit de vie ou de mort, les croyances, la gestion d’un décès, la vie in-utéro d’un être qui n’a pas pu être mais qui existe pour nous, la gestion de la tristesse, des émotions. La vision pour le mari de sa femme dans une situation tout à fait accablante (imaginez un accouchement sans le bonheur d’un bébé pour pallier ses effets). Nous essayons de toujours communiquer, de ne rien taire et de soutenir au mieux l’autre pour essayer de trouver un sens à toute cette épreuve. Mais nous ne referons plus jamais le DPN.

La décision du DPN est un choix personnel au même titre que le test prédictif et ces propos n’engagent que moi et mon vécu de cette situation. Ils ne sont en aucun cas une forme de jugement.

Anna


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