Michelle

28 mai 2013

Michelle est la créatrice et l’animatrice du forum le plus important sur la maladie de Huntington en France : Huntington Inforum. Quand nous avons une idée à ddd, nous aimons lui demander son avis. Son regard, enrichi de tant d’années d’expériences auprès de ce que nous appelons à ddd la communauté Huntington, nous importe énormément. Elle a écrit ce témoignage à notre demande, après avoir longuement pesé le pour et le contre. Qu’elle en soit ici chaleureusement remerciée.

A. R., 28 mai 2013.

Michelle

Avril 2001, les médecins nous annoncent, sans ménagement, que mon époux, alors âgé de 41 ans, est atteint de la maladie de Huntington.

C’est un moment terrible que l’annonce d’une maladie ; l’esprit est subitement envahi de mille et une questions.

Afin de trouver certaines réponses, afin de me rassurer, je recherche alors frénétiquement des informations sur internet.

Seule face à mon écran, c’est le désastre, je m’effondre : j’apprends ce qui attend l’homme que j’aime, que nos enfants ont un risque sur deux de développer un jour cette maladie, les symptômes m’effraient et je me sens terriblement seule. La maladie allait nous « voler » tout ce que nous avions construit ensemble pendant de nombreuses années ; rien ne serait plus comme avant ; la M.H. entrait dans notre vie et nous ne savions pas comment réagir.

J.P

La maladie s’était déclarée bien avant l’annonce médicale, débutant principalement par de légers mouvements involontaires et des troubles de l’humeur.

Puis, peu à peu les fonctions cognitives se sont altérées ; des troubles psychiatriques sont apparus (dépression, apathie, tocs …).

Afin de mieux comprendre les comportements de mon époux et cette maladie, si complexe, j’ai lu quasiment toutes les brochures qui pouvaient exister à ce sujet et celles-ci m’ont beaucoup aidé dans la gestion de situations difficiles. L’espoir avec le protocole de greffe neuronale nous a permis de tenir bon pendant les trois premières années ; greffe qui a lieu en 2004.

Mon époux essayait de se maintenir physiquement (c’était un sportif), mais également mentalement avec des exercices de mémoire et d’écriture. Après la greffe, tout est allé bien pendant six mois ; probablement un effet placebo.

Et au début de l’année 2005, la maladie a pris le dessus ; l’état de santé général de mon époux s’est dégradé à une vitesse grand V, à tel point qu’il devenait de plus en plus difficile de gérer le quotidien, en présence de deux jeunes enfants. Il a fallu envisager un ‘placement’ en établissement auquel je m’étais toujours opposée, malgré les conseils de mon entourage.

Quelle décision difficile à prendre : culpabilité de l’abandon, penser que j’étais la seule à pouvoir comprendre mon époux, à m’occuper de lui, peur qu’il n’ait pas les soins appropriés…

J’ai pesé le pour et le contre pendant plusieurs mois.

Lorsque j’en ai parlé à mes enfants, un de mes fils, alors âgé de 14 ans, a eu cette phrase : « Tu as raison maman, c’est mieux pour lui. Et puis, tu sais, s’il restait, on aurait fini par ne plus l’aimer ».

Car plus la maladie est là, plus on la déteste.

Fin 2005, une place temporaire en clinique s’est présentée ; j’ai failli faire marche arrière et refuser ; le cœur brisé, j’ai accepté.

J’ai menti à mon époux sur les raisons de ce placement, prétextant des raisons médicales, de peur qu’il pense que nous l’abandonnions.

Cinq mois en clinique, deux mois en maison en retraite ; et puis trois mois en hôpital psychiatrique, les plus éprouvants, au cours desquels j’ai dû me ‘battre’ contre certaines décisions prises par le corps médical, notamment celle d’un neurologue qui avait prescrit un médicament pour les mouvements involontaires (alors que mon époux en avait peu) en me disant que celui-ci mènerait à une guérison.

Enfin, une accalmie pour nous tous : la prise en charge de mon époux au sein d’une maison d’accueil spécialisée avec un personnel à l’écoute de ses besoins, prenant le temps de comprendre la maladie, de discuter.

Chose qui m’a toujours étonné : mon époux ne posait aucune difficulté à repartir de la maison, lorsqu’il y passait ses dimanches ; je pense qu’il acceptait cette situation pour nos enfants, pour moi.

Petit à petit, il s’est laissé aller ; il ne voulait plus participer à des activités et regardait uniquement la télévision, restait des heures couché. Il semblait attendre le moment d’être libéré de cette maladie qui l’emprisonnait. La maladie s’est encore aggravée et la pose d’une sonde alimentaire a été envisagée, et là encore cela a été un bouleversement car j’étais partagée entre ce que j’avais lu et entendu à ce sujet, et ce que je savais de la position de mon époux à propos de l’acharnement thérapeutique et de l’euthanasie. Il a été admis dans un service de soins palliatifs pour observation et lors de ce séjour, diverses questions m’ont été posées, notamment sur ses souhaits concernant sa fin de vie, des explications m’ont été données.

Le personnel médical, après avis d’un gastro-entérologue, a décidé de ne pas effectuer de gastrotomie et J.P. devait retourner à la MAS.

Il n’en a pas été ainsi, le médecin devait m’annoncer, quelques jours après son admission que la fin était proche.

Présente à ses côtés pour les derniers moments de vie, j’ai pensé fortement à lui plus qu’à ma douleur ; lui qui aimait tant la vie, ne souffrirait plus de se voir ainsi diminué par une maladie dont il connaissait l’issue.

Sept années de maladie ‘visible’ pendant lesquelles l’espoir, l’entourage, l’amour nous ont permis de tenir et de vivre des moments familiaux plein de complicité, mais des années très éprouvantes au cours desquelles il a fallu mettre me ‘battre’ constamment pour le bien-être de J.P. et celui de nos enfants.

Nos enfants

Nos enfants étaient respectivement âgés de 9 et 5 ans lorsque nous avons appris que mon époux était atteint de la M.H.

J.P. a souhaité qu’ils soient informés et une panique s’est emparée de moi. Questions cruciales : fallait-il vraiment leur en parler alors que la maladie était à ce moment là peu visible pour eux ? Comment, quand leur en parler ? Donner quelles informations à de si jeunes enfants ?

Comme tout parent, je souhaitais protéger, préserver nos enfants, leur éviter toute souffrance mais, je savais au fond de moi qu’il était important pour nous tous que les choses soient dites ; seules les forces d’en parler me manquaient. Un livre m’a aidé à franchir le cap et avec mon époux, nous avons annoncé, expliqué la maladie, répondu aux questions, parfois difficiles, de nos enfants (telles que « peut-on mourir de cette maladie ? », « est-elle contagieuse ? » …). Cela a été une discussion éprouvante au cours de laquelle il a fallu retenir nos larmes, trouver des réponses appropriées aux questions pour ne pas affoler les enfants, aborder l’hérédité sans pour autant en préciser le taux (cela était au-dessus de mes forces), dire qu’il n’y avait aucun traitement mais que des scientifiques du monde entier travaillaient sur cette maladie.

Les réactions des enfants peuvent agréablement surprendre.

V., alors âgé de dix ans, était soulagé d’apprendre que son père n’était pas au chômage et s’est rapproché de lui pour se blottir contre lui. J., alors âgé de six ans, nous a dit que tout cela était trop triste à entendre et est parti dans sa chambre pour nous ramener un livre et en parler afin de changer de conversation ; il s’est éloigné de son père pensant que la maladie était contagieuse.

Après cette petite réunion familiale, j’ai fondu en larmes, en cachette, envahie par une grande tristesse mais, en même temps, soulagée de leur avoir presque tout dit.

Nos enfants ont appris le taux d’hérédité, respectivement à 14 ans et 12 ans, puis l’existence du test, le DPI…

Rien ne leur a été caché : ils connaissent tout de la M.H.

Ils ont toujours été mis dans la confidence s’agissant de leur père et des différentes étapes que nous traversions ; ils lui ont rendu visite régulièrement dans tous les établissements, même si cela a été difficile pour eux. Le dialogue a été très bénéfique ; la maladie n’est pas tabou, comme elle l’a été dans la famille de mon époux, et nous en parlons librement, sans gêne.

Un site

En 2004, lors d’une conversation, mon époux, qui pensait que la MH était une maladie très rare, a été étonné du nombre de personnes concernées par celle-ci et m’a dit « je ne suis pas tout seul alors ».

Cette phrase m’a énormément touchée et je me suis dit que beaucoup d’autres personnes devaient penser la même chose que lui : faire partie d’un groupe très restreint de personnes atteintes de la maladie de Huntington, oubliées, isolées du fait de la rareté de cette maladie et du manque d’informations à ce sujet. D’où l’idée de créer un site internet ; une idée dictée par le désir de partager toutes les informations que je pouvais trouver sur la MH et les regrouper sur un seul site afin de faciliter la recherche d’informations par les personnes concernées mais également, afin de montrer qu’une recherche scientifique existait et que nous n’étions pas oubliés par les chercheurs.

Sa conception a été, pour moi, un exutoire ; je m’y suis pleinement investie en pensant à mon époux, à nos enfants et à ce qu’il pourrait apporter à ceux qui le consulteraient.

L’idée d’un forum de discussion m’a été soufflée par un ami ; il n’en existait aucun en France dédié uniquement à la M.H.

En 2004, la MH était un sujet encore tabou, difficile et délicat à aborder, contrairement à nos jours où les groupes et associations fleurissent, où les personnes s’expriment de plus en plus ; j’étais donc sceptique quant à la mise en œuvre d’une telle idée.

J’ai alors repensé à la petite phrase de mon époux et pris la décision de me lancer et de créer un forum intégré au site, facile d’accès, permettant de pouvoir s’exprimer librement sous le couvert de l’anonymat, de trouver des contacts dans sa région (ce que j’avais toujours souhaité), de partager son vécu et ses expériences afin de pouvoir aider d’autres personnes.

J’espère pouvoir, un jour, partager sur ce site, avec tous ceux qui le consultent, l’annonce d’un traitement pour la maladie de Huntington.


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